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Labs d’innovation, incubateurs, fablabs… Comment expliquer les fréquents échecs ? par A Glaser et C Gibert

Pour innover plus rapidement, pour « disrupter » leur business model ou tout simplement pour dépoussiérer leur image, les entreprises ont été nombreuses à créer des labs internes. Après un très fort engouement, l’heure est aujourd’hui au désamour : les budgets se rétrecissent, certains labs mettent même la clé sous la porte. Pour comprendre les raisons de ces échecs, nous avons invité Anna Glaser (ESCP Europe) et Cylien Gibert (HEC Paris), qui ont tous les deux étudié de près ces lieux d’un nouveau genre.

Ce texte est tiré d’un recueil de quelques-unes des interventions marquantes que nous avons organisées l’année dernière, et que vous pouvez librement télécharger ici.

1. Des lieux qui ne sont pas conçus par les utilisateurs

Souvent, ces lieux sont pensés par des aménageurs, qui ne vont pas y vivre plus tard. Et ils se ressemblent beaucoup, alors que la culture d’innovation n’est pas du tout la même d’un pays, d’une entreprise à l’autre.

2. Des structures qui ne couvrent pas tout le processus d’innovation

Si l’on appelle un tel lieu innovation lab, il faut que ce soit… un lieu d’innovation. Or dans bien des cas, les innovation labs sont des lieux de créativité, permettant la génération d’idées, mais pas les autres étapes du processus d’innovation.

3. Des structures déconnectées de la stratégie globale

Les innovation labs ne sont pas toujours alignés avec la stratégie de l’entreprise. De fait, on leur reproche régulièrement de ne pas contribuer à résoudre les problèmes rencontrés par l’organisation, voire de ne pas être capables de prévoir le futur… Et il est vrai que ces structures, dans certains cas, ne communiquent pas de manière optimale avec le reste de l’entreprise. Les labs qui ne sont pas étroitement connectés avec la stratégie et le reste de l’organisation ont d’ailleurs tendance à fermer.

4. La difficile quête de légitimité

Dans la plupart des cas observés, la mission première des labs est très vite détournée par des enjeux d’impatience organisationnelle (reportings, KPIs, etc). L’écart entre mandat confié et trajectoire prise peut être important… et il a tendance à s’accroître avec le temps.

Sur le papier pourtant, tout est clair : les labs doivent explorer de nouvelles méthodes d’innovation et de nouvelles activités, comprendre les grandes mutations technologiques et sociétales dans leurs versants risques/opportunités. Leur création est un événement en soi : souvent portée par le Comex ou un de ses membres, elle est une occasion pour communiquer autour de la politique d’innovation de l’entreprise et de sa transformation (organisationnelle, technologique, culturelle) en cours.

Mais parfois, et ce assez rapidement, le top management a tendance à leur appliquer des metrics somme toute très classiques : nombre de brevets déposés, nombre de maquettes produites, nombre de prototypes présentés dans les salons spécialisés, ROI… qui ne leur sont pas adaptés. Analysés sous ce prisme, les innovation labs sont, de facto, jugés peu efficaces, voire peu légitimes.

Car cette question de la légitimité des labs est un sujet en soi : charge à leurs dirigeants de la conquérir, de la prouver, ce dont ils sont d’ailleurs parfaitement conscients. Et, pour ce faire, plusieurs stratégies sont mises en œuvre.

5. Différentes stratégies

La promotion

Face à une gouvernance qui souhaite leur imposer des metrics traditionnels, les patrons de labs challengent ceux-ci, en avançant qu’ils ne sont pas adaptés à leur activité. Parfois, certains demandent à des patrons de startups d’expliquer à leur Comex que les labs obéissent à un fonctionnement original. D’autres encore s’attachent à rassurer leurs mandants, en leur montrant qu’ils vont y arriver. On discute donc beaucoup, on cède parfois pour pouvoir mieux négocier ensuite. Une logique qui peut se révéler efficace, mais qui s’apparente à tout sauf à un long fleuve tranquille.

Le conformisme

On accepte alors de se soumettre aux mêmes KPIs que les autres et de réorienter l’activité d’exploration. Dans de tels cas, le lab devient une cellule interne de soutien aux projets innovants – ce n’est plus un lab.

La transformation

La gouvernance et les metrics sont régulièrement redéfinis, le mandat du lab est progressivement réarticulé avec les besoins business. Cela suppose une renégociation régulière autour du mandat et de la gouvernance afin que l’activité d’exploration demeure.

Le découplage

Les labs ne font pas évoluer leur mission initiale, sans parvenir à répondre aux attentes du Comex. En clair, ils se focalisent sur leur activité d’exploration tout en tentant de convaincre leurs mandants qu’ils vont, rapidement, parvenir à des réalisations concrètes. Mais ils n’y arrivent pas… Les labs concernés sont bien souvent condamnés, et ferment rapidement.

Source : https://www.linkedin.com/pulse/labs-dinnovation-incubateurs-fablabs-comment-expliquer-l-anvie-/

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