Collaboratif et intelligence collective par F Marchal

LE CONTEXTE : Ce qui amène à considérer l’enjeu de l’intelligence collective

Les limites du modèle Command & Control ne sont plus à démontrer => le management se réinvente et il est question d’innovations managériales « processus par lequel les entreprises s’inventent régulièrement de nouvelles pratiques » (David AUTISSIER).

-Le taylorisme a décomposé le travail en travail d’exécution et travail de conception avec une valorisation hiérarchique du 2ème. Cela ne correspond plus aux enjeux d’aujourd’hui.

-Les bouleversements significatifs du management semblent trouver leur origine au carrefour des évolutions technologiques mais aussi sociales et constituent un point de bascule entre des modes de management traditionnels et une nouvelle donne à construire (David AUTISSIER).

-Pour David AUTISSIER « le modèle organisationnel émergent tend à faire sortir les salariés de leur poste de travail pour être en mode collaboratif avec les différentes parties prenantes. La problématique organisationnelle devient de plus en plus collaborative ».

Les exigences d’innovation montrent les limites du système.

Fonctionner en réseau au XXI ème s n’est plus une option.

Les approches que nous pratiquons depuis 50 ans et qui ont fait la preuve de l’efficacité sont exactement celles qui nous ferons échouer demain.

Même si l’entreprise libérée ne démontre aucune réussite dans des entreprises hors PME (et au sein de celles-ci un nombre très limité la pratique) et que dans certains cas des entreprises ont fait machine arrière (ex : Poult) il ne faut pas jeter ses idées fondatrices à savoir la confiance, l’écoute, l’autonomie, l’accountability.

Pour Vincent LEHNARDT « il s’agit de créer les conditions de la libération de l’énergie du vivant ».

A l’ère des réseaux sociaux, il se confirme une exigence sociétale de désir de participation, de donner son point de vue (en tant que citoyen, collaborateur, etc.).

La transformation des entreprises n’est plus une option. Entendu par-là, l’ensemble des manières de travailler (il n’est pas question de la seule transformation digitale).

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LES ENJEUX

-Les modes de fonctionnement doivent évoluer vers plus de participation, d’autonomie, d’entrepreneuriat et de responsabilité sociale et environnementale => aller vers plus de fonctionnement collaboratif.

-Mobiliser l’intelligence collective est une priorité des entreprises.

C’est la qualité des interactions entre les membres de l’entreprise qui fera le succès de l’entreprise de demain et plus la juxtaposition de talents individuels.

Les entreprises performantes de demain sauront se projeter dans le long terme et tenir compte des logiques humaines tout aussi essentielles que les logiques financières.

DE QUOI PARLONS NOUS ?  : ce qu’est l’intelligence collective ; ses composantes

-Pour comprendre l’intelligence collective ou l’intelligence collaborative il faut revenir à l’étymologie du mot « collaboration ». Il vient de « collaborare » c’est-à-dire travailler ensemble, agir conjointement pour aboutir à une fin.

Toutefois, l’IC est bien plus que le collaboratif.

-L’IC désigne la capacité d’une communauté / d’un groupe de salariés / d’une organisation à faire converger intelligence et connaissance / utiliser le savoir d’un groupe pour avancer dans un but commun.

Elle résulte de la qualité des interactions entre ses membres

Elle consiste à augmenter la capacité de compréhension et d’action d’un groupe. L’IC est permise par la réunion de personnes qui acceptent l’échange en vue de se comprendre, de trouver une solution mais aussi de développer une forme d’humanisme dans les relations humaines. Cela dessine 3 formes d’intelligence collective : compréhension mutuelle, action collective, humanisme sociétal.

-Il faut pour cela de la structuration (méthode, rôle, problématisation).

-Pour qu’il y ait intelligence collective il faut apprentissage individuel et collectif.

CE QUE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE N’EST PAS

-L’intelligence collaborative n’est pas du participatif (malentendu venant du paradigme taylorien).

La participation est une condition nécessaire mais non suffisante à l’émergence de l’intelligence collective.

L’intelligence collective n’est pas un mode coopératif qui est un travail de groupe hiérarchiquement organisé avec répartition des rôles (livre Switchlab p84, JY. GUILLAIND et D. AUTISSIER).

PRÉALABLES AU DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

-Les personnes doivent être sensibilisées au besoin de changer et désireuses de mettre à contribution leurs idées au service d’un intérêt commun.

Faire confiance au groupe et cultiver une attitude empathique basée sur l’échange et l’esprit collaboratif.

-Un climat de bienveillance.

Maturité : capacité d’un groupe à créer des liens dans le but de coopérer. Cela suppose que chacun s’approprie l’objectif et / ou l’intérêt commun en mettant de côté ses objectifs individuels.

LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE

-Un objectif commun et clairement partagé.

-Des valeurs partagées.

-Des dirigeants qui fédèrent autour d’une vision commune.

-Un leadership empathique, authentique, humble.

-Un management qui repose sur l’autonomie et le partage du pouvoir.

-Des managers en posture de facilitateurs de l’intelligence collective.

Une ambiance propice au bien-être, à l’envie d’être ensemble.

Une organisation simple fonctionnant en mode projet.

Une diversité culturelle de l’organisation => « il ne sert à rien d’être nombreux si tout le monde pense pareil ».

Un respect des individus considérés comme des partenaires et non des exécutants.

-Les pratiques collaboratives sont nécessaires pour le développement de l’intelligence collective mais pas suffisantes : s’intéresser à la place de l’individu dans le collectif est tout aussi indispensable.

Pour donner le meilleur, chacun a besoin de se sentir appartenir à un collectif qui utilise et développe ses ressources personnelles, expériences, compétences, en les valorisant, tout en disposant du niveau d’autonomie lui permettant d’exprimer son potentiel créatif.

-Le partage de l’information (information accessible et partagée en permanence), le respect de règles communes, la multiplication d’interactions et de connexion sociales.

Des outils digitaux intuitifs et collaboratifs pour un rassemblement des idées en temps réel et simultané.

-Des procédures et des normes qui aident et non qui freinent.

La présence de connaissances tacites et complémentaires.

Des conditions de travail adaptées favorisant la confiance et le travail en commun (structuration des espaces de travail).

Des formations adaptées et un accès facilité pour chacun.

Il faut quitter l’esprit de compétition qui a pu se développer dans les entreprises.

Accepter de partager son savoir et ses connaissances. Chaque personne doit prendre conscience que son savoir personnel n’est utile à la réalisation d’un objectif que s’il est combiné avec le savoir des autres.

IC = facteur d’épanouissement pour tous les contributeurs qui s’enrichiront du partage de leurs connaissances et qui auront plaisir et fierté à réussir ensemble.

-L’IC suppose une certaine stabilité du collectif de travail. Or la mode actuelle de l’entreprise agile aboutit souvent à désorganiser et à recomposer en permanence les équipes de travail, de telle sorte qu’on ne sait plus à qui on peut faire confiance ou non.

« RECETTE »

Cécile DEJOUX (Professeur Cnam / ESCP) propose le modèle des 5R pour « créer » de l’intelligence collective :

Les rôles : donner à chacun un rôle dans l’équipe afin de générer individuellement un sentiment d’utilité.

Les rites : créer un jeu de routines comme par exemple célébrer les victoires.

Le respect (par exemple : faire des réunions sans regardes ses mails).

La reconnaissance : faire en sorte que les personnes soient reconnues individuellement dans leur apport au collectif.

-Les règles : co construire les règles de fonctionnement du groupe.

LES BÉNÉFICES DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

-Renforcement des synergies + travail transversal.

Tirer le meilleur profit du potentiel des équipes.

Libération des énergies en interne avec renfort prise d’initiative et de décision.

-Innovation et performance durable.

DIFFUSION DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

-Les processus de transformation pour développer le collaboratif et l’intelligence collective relèvent davantage de l’essaimage que du déploiement au sens informatique (posture du jardinier vs celle de l’ingénieur).

L’intelligence collective se diffuse par imitation et viralité.

Le point de bascule est difficile à maîtriser (= nombre critique de personnes qui adoptent le mode collaboratif).

FREINS A l’INTELLIGENCE COLLECTIVE

-Manque de communication ajustée et effective.

-Chacune et chacun au quotidien est amenée à faire son travail en se repliant inconsciemment sur ses objectifs à court terme => phénomène d’isolement.

Des problèmes d’inertie et de conformisme qui viennent s’ajouter aux limites individuelles.

-Des pratiques managériales qui encouragent les comportements individualistes.

Les limites de l’intelligence collective sont souvent dues à des effets de groupe (conformisme, absence de diversité, absence de procédure, autocensure).

L’INTELLIGENCE COLLECTIVE DE FAÇON CONCRÈTE

-Les méthodes / les pratiques qui relèvent de l’intelligence collaborative : Hackathon, World café, forum ouvert, codéveloppement, rôles délégués en réunion …

Cas de COVEA (Maaf, MMA et GMF).

La dénomination fondée sur des racines latines « Cum Ovum Via » qui signifie « faire la route et grandir ensemble » comporte intrinsèquement une démarche de coopération, de synergies et d’intelligence collective.

21 000 collaborateurs travaillent dans ce groupe mutualiste d’assurance.

Depuis plus de 10 ans, COVEA initie des démarches soutenant l’intelligence collective par le biais d’une direction de la dynamique interne réunissant des coachs et des facilitateurs et 5 dispositifs. 

-Cas d’AIRBUS

Chez AIRBUS a été créé en 2016 le Smart Collab qui consiste en l’internalisation des compétences de facilitation collaborative.

Cela passe par un lab réunissant des experts en facilitation issus des métiers internes : « smart collab officers » dédiés et à temps plein. Ils permettent une implication de chacun dans la régulation du collectif et donc une plus grande puissance de l’IC.

PERSPECTIVES

Va-t-on passer de l’ère du Chief Executive Officer au Collective Intelligence Officer ?

Traduction : bascule de réunions Comex à des grands groupes de réflexion collective.

 Mobiliser l’intelligence collective est indéniablement une compétence clé du futur. 

Intervenants, Auteurs :

David AUTISSIER, ESSEC ; Hélène BEAUGRAND, Tchanca ; Amina BENRAISS et Bouchra BENRAISS, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Maroc ; Charles Henry BESSEYRE des HORTS, HEC ; Laurent BIBARD, ESSEC ; Mireille BLAESS, VCLS ; Laurent BOURGEON, ESSEC ; Patrick BOUVARD, RH Info ; Colette CAUMONT, Airbus ; Bernard CHAMBON, Bcconsultant ; Françoise DE BRY, IAS ; Laurent DEPOND ; Charlotte DU PAYRAT ; François Xavier DUPERRET, Eurogroup Consulting ; Antoine HENRY, Daylight consulting ; Laurence HIRBEC, THALES ; Hubert LANDIER, IAS ; Florian MANTIONE ; Benoit MONTET ; Mathieu PETIT ; Patrick PLEIN, Vinci ; Stéphane RENAUD ; Cécile DEJOUX, Cnam / ESCP ; Yann SCAVENEC, CDB ; Alexandre GUILLARD, COVEA ; Martin DUVAL; David PORCHERON, COVEA ; Jean-Yves GUILLAIN, Le Switch Lab ; Kevin JOHNSON, HEC Montréal.

Source :  https://www.linkedin.com/pulse/collaboratif-et-intelligence-collective-florent-marchal/?trackingId=AXCDgtZ9RYelxWwVjC%2Fw9A%3D%3D

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