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Une rétrospective à distance ? par A Grimaud

Lecture rapide

  • Pour des rétrospectives à distance efficaces, l’outil doit se baser sur 3 piliers pour assurer une bonne séance : une activité synchronisée, un rapprochement au papier et du participatif ;
  • La perte du contact visuel entre le facilitateur et les participants peut être recouvrée par l’activation des webcams dans une visioconférence ;
  • Le facilitateur est plus actif dans sa manière d’animer. Il prend la température dans les phrases plus silencieuses, il surveille l’activité et la concentration des participants, il restitue et guide à haute voix…
  • Cinq exercices de rétrospectives ayant fait leurs preuves à iObeya sont expliqués et documentés ci-dessous.

La rétrospective est le rituel clé de l’amélioration continue de l’équipe travaillant en agilité. La situation actuelle a poussé les équipes à se distribuer pour limiter le contact physique, cependant, la rétrospective est un moment où l’interaction physique a une place importante, alors qu’en est-il une fois l’équipe distribuée en plusieurs lieux et comment s’y prendre ? Devons-nous envisager que le facilitateur se filme avec son paperboard, tout en notant au fur et à mesure les retours de chacun des participants ? Si cela semble absurde, nous vous proposons ici d’autres voies.

Une rétrospective à distance ?

Issue du papier, la méthode citée en introduction semble quelque peu incohérente. La situation actuelle a bouleversé notre manière de travailler et il est possible de perdre quelque peu ses repères. Pas d’inquiétude, le secret est de se focaliser sur 3 aspects — l’animation, l’outil et l’exercice.

Le rôle du facilitateur

Le rôle du facilitateur reste plutôt similaire — il prépare le rituel, prend l’équipe par la main et s’assure qu’à la fin, il y ait des actions prises. Mais dans un contexte à distance, certains paramètres nécessitent une attention toute particulière. Le contact oral est toujours présent mais le contact visuel manque. Ce dernier joue un rôle majeur puisqu’il s’agit d’un langage indirect — il indique si les participants écoutent, s’ils sont attentifs, ou concentrés. Il peut être aussi pratique pour savoir s’il faut réexpliquer ou redynamiser sa séance. Néanmoins, en visioconférence, il est possible de demander à chaque participant de mettre sa webcam, ainsi le facilitateur peut, à moindre échelle, établir un contact visuel et s’adapter.

Le choix de l’outil

En présentiel, la rétrospective peut se faire avec des moyens simples comme une grande feuille de papier et des post-its™. Puisque ces moyens ne sont pas envisageables à distance, quelles sont les solutions possibles pour que chacun puisse effectivement coller ses post-its™ sur une feuille de papier ? Des moyens numériques, il en existe beaucoup, et pour faire le bon choix, voici quelques piliers qui vous permettront d’assurer une bonne séance même si elle se fait à distance :

  • Une activité synchronisée – Représentant le fait que chaque participant puisse suivre la même chose au même moment. Elle est essentielle pour maintenir la concentration et l’efficacité. Un participant qui ne suit pas la rétrospective, c’est prendre le risque de manquer un retour ou un avis. Sans parler de possibles va-et-vient et autres effets indésirables cassant la fluidité de votre séance ;
  • Un rapprochement au papier – Si vous lisez ce billet, c’est sans doute parce que vous avez déjà réalisé vos rétrospectives avec du papier et des crayons. C’est à la portée de tout le monde et la relation fusionnelle entre l’humain et le papier facilite leurs interactions. Ainsi, un outil reposant sur l’imitation du papier et de ses interactions, ne vous dépaysera pas trop ;
  • Du participatif – La rétrospective est un rituel participatif. Minimiser les interactions voir les abroger en proposant des sondages gâcherait l’intérêt d’une rétrospective d’équipe, qui est avant tout un moment de retrouvailles, d’échanges et de prises de décisions.

Il existe quelques solutions se basant sur ces 3 piliers. Quelques unes sont d’ailleurs listées à la fin du billet dans les ressources.

Le choix de l’exercice

Le mieux pour un exercice de rétrospective est qu’il soit adapté au contexte. Par exemple, quand il s’agit d’une rétrospective sur les 5 dernières semaines, avoir un exercice faisant appel à la mémoire serait préférable.

Cependant la distance réduit drastiquement les interactions de groupe : les exercices faisant appel à des échanges de notes ou de dessin, du pliage, du collage (oui, cela peut exister) ne peuvent se faire dans de bonnes conditions. De ce fait, il est préférable de se focaliser sur une collecte de retours classique : des notes écrites. En revanche ce n’est pas parce ce que les interactions sont limitées que l’exercice ne fonctionnera pas. Le but de l’exercice est de délier les langues, de réagir sur les retours et de planifier des actions en réponse aux problèmes échangés.

Les quelques exercices présentés plus bas se basent sur la collecte des retours. Cela pourra vous sembler classique mais leur format et leur déroulé marqueront leurs différences.

Animer à distance ?

La collecte

Cette phase consiste à laisser les participants saisir leurs retours selon l’exercice et le temps accordé. La plupart des exercices de rétrospective misent sur l’idéation fermée. De ce fait, le participant est plus susceptible de se livrer, de parler des problèmes qu’il a rencontré et n’est pas influencé par les autres.

Pendant la saisie à distance, il est difficile pour le facilitateur de savoir si les participants saisissent leurs retours pendant la phase d’idéation — puisque vous ne les voyez qu’à travers une petite lucarne. N’hésitez surtout pas à prendre la température et à demander s’il y a encore besoin de plus temps, ou bien à arrêter la séquence.

La restitution

Après la saisie, place à la présentation et répartition des retours. Le tour de table à distance se présente de la manière suivante : octroyer un temps de parole à chaque participant. Durant le tour d’un participant, celui-ci énumère chacun de ses retours et les dispose selon les zones de l’exercice.

Pour mener à bien cette partie, vous devez focaliser les autres participants sur les retours de celui qui présente. Il est important que tout le monde soit au même niveau d’information. Cette phase est importante pour déterminer la criticité d’un retour.

Un autre challenge sera de modérer et de contraindre le temps de parole pour avancer. En synchronisant un minuteur commun à tous, chaque participant pourra visualiser son temps de parole.

La sélection

Dans une rétrospective, il vaut mieux choisir le plus gros problème à résoudre plutôt que de définir un plan d’action pour chacun. Pour sélectionner le plus gros problème à résoudre, le vote est un moyen plutôt efficace.

À distance comme en présentiel, le dot voting (1) est très bien adapté et simple. Il vous suffit de préparer un ensemble de marqueurs (gommettes, formes…) et d’en donner autant qu’il le faut à chaque participant. Le plus simple est de demander aux participants de constituer leur top 3.

La question du vote ouvert se pose, car dans un processus de vote, l’anonymat est préférable, non seulement pour mettre en confiance les plus timides mais surtout pour éviter l’effet de mode (2).

La décision

Si vous avez la sélection des plus gros problèmes de l’équipe sur une itération, alors vous avez fait le plus gros. La dernière phrase est la discussion et l’élaboration du plan d’action. De ce fait, vous, en tant que facilitateur, diffusez et écrivez les décisions des participants. Reformulez bien, lisez à voix haute ce que vous écrivez, et corrigez si besoin.

À la fin, un récapitulatif est nécessaire pour obtenir le consentement et l’alignement de l’équipe. Si tout fonctionne, vous pouvez vous féliciter d’avoir assuré votre première rétrospective à distance, mais ce n’est pas encore fini et d’autres sont à venir. Peu à peu votre expérience grandissante vous permettra d’adapter certaines choses et ainsi faciliter les rétrospectives.

Quelques exercices pour vous faciliter la tâche

Voici une sélection d’exercices qui ont fait leurs preuves à distance. Piochez-en un en fonction du contexte de votre équipe et testez-le ! Vous trouverez pour chacun d’entre eux une fiche pratique pour le mettre en place et le tester. Bon courage !

Pour démarrer : Le Mad/Sad/Glad

Le Mad/Sad/Glad est un exercice très simple et parfait pour les nouvelles équipes. Il est facile à comprendre et à animer, puisque trois types de retours suffisent pour identifier les problèmes.

À emporter :

Pour aller plus loin : La Rétrospective en étoile

La Rétrospective en étoile est assez similaire au Mad/Sad/Glad, à la différence qu’il a cinq types de retours. Il n’est pas forcément ni plus dur à animer, ni plus dur à comprendre. D’ailleurs, son format est un peu plus ludique, ce qui le rendra sympathique à animer et à utiliser. Cet exercice est typique des rétrospectives agiles.

À emporter :

Quand ça fait longtemps : La Timeline

1 mois sans faire de rétrospective ? Pas de problème, chaque écart a sa solution. L’exercice de la Timeline fait appel à la mémoire et permet aussi à vos participants de se creuser les méninges. La réalisation est très simple, il suffit de placer les événements antérieurs sur une chronologie — à vous de choisir une granularité en fonction du temps depuis la dernière rétrospective. L’exercice aborde deux choses : les axes d’amélioration et l’humeur des participants. Ces deux éléments sont corrélés car un événement a pu influencer l’humeur d’un ou plusieurs membres de l’équipe. Cela aidera les participants à se focaliser sur les points d’attention.

À emporter :

Pour tous s’aligner : Le Speedboat

Le plus connu des formats de rétrospective. Le Speedboat est l’exercice le plus ludique parmi les 5 présentés. Cette représentation est aussi utile pour faire de la stratégie que de la rétrospective. En effet, un groupe (entreprise comme équipe) est représenté par un bateau voguant vers un cap — l’objectif court ou moyen terme. Bien entendu, atteindre cet objectif ne se fera pas sans encombres et ce format sera idéal pour identifier les aléas et agir en conséquence. Cette métaphore autour du voyage en mer rend cet exercice abordable pour quiconque, que cela soit au niveau d’une équipe comme d’un comité exécutif.

À emporter :

Pour décider : Le Decision Jam

Le dernier de la sélection est le plus difficile à manier : il est complet mais diablement efficace quand il est bien animé. Cet exercice est avant tout fait pour l’aide à la décision, mais la rétrospective tient de cette école pour l’amélioration continue. Il n’a pas besoin d’une grande mise en place, en revanche le rythme sera important et constitué de 4 différentes étapes. À la fin de cette séance, les éléments directement actionnables et réalisables à court terme marqueront les next steps. La principale différence avec les autres rétrospectives réside dans son rythme soutenu.

À emporter :

La distance n’est pas un prétexte pour ne plus faire de rétrospectives d’équipe. Elles restent très importantes dans le processus d’amélioration continue. Le facilitateur a un rôle encore plus déterminant dans ce contexte évolutif et doit parfois renforcer sa posture de modérateur et d’animateur. Concernant l’outil, il est important de trouver celui qui correspondra le plus à l’équipe (voir à l’entreprise), car ce nouveau contexte tend à transformer notre manière de travailler.

Merci pour votre lecture, en espérant que ce retour d’expérience vous ait inspiré. Sinon, je partage quelques opinions, projets, et inspirations autour du leitmotiv (UX + UI) * design + </code> sur Twitter.

Notes

  1. Le dot voting consiste à donner un nombre de gommettes aux participants d’un atelier, afin que ceux-ci puissent marquer leurs préférences envers une liste. Son but est de limiter les discussions et de marquer une convergence dans le vote ;
  2. L’effet de mode apparaît dans le cadre du vote, lorsqu’il n’y a pas d’isolation des résultats. Les participants n’ayant pas encore voté sont susceptibles de faire valoir l’opinion de masse plutôt que la leur. De ce fait, le résultat peut en être biaisé.
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