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Dans les coulisses d’une démarche d’innovation de services

À deux, nous sommes déjà une organisation

Lorsque Cyril, designer de services, et moi-même avons abordé le sujet « innover sur les climatiques », je me souviens à la fois de mon appétence et de mon excitation à me lancer dans un tel sujet, l’envie de renouer avec la matière en lien avec le cœur de métier assurantiel, et aussi une certaine appréhension au regard de la vastitude et la complexité du thème !

À deux personnes, Cyril et moi-même, nous formons une organisation, c’est-à-dire un groupe social tourné vers des buts communs.

La première action que nous menons ensemble est donc de construire l’équipe. Cette phase est très importante, c’est même la clé de voute qui permet de fonder les bases de la coopération, en ayant une représentation partagée de la mission à mener, les objectifs, et une meilleure connaissance mutuelle.

Pour ce faire nous avons répondu tour à tour à cinq questions :

  1. Quelle est notre représentation du but à atteindre ?
  2. Quels sont nos objectifs personnels ?
  3. Quelles sont nos sources de motivation ?
  4. Quelles sont nos compétences (au sens large, compétences techniques et relationnelles — softskills) et quels rôles nous pourrions exercer pour réaliser la mission ?
  5. De quelles façons nous souhaitons travailler ensemble (mode de fonctionnement, outils, rituels…)

Conseil #1 : Faire équipe, cela se construit dans la durée, cela ne se décrète pas.
Prendre un temps dédié pour faire connaissance de manière approfondie (compétences, appétences) et partager les représentations de la mission.
Exemple de canevas utilisé (~1 h pour 2 personnes)

Exemple de canevas de construction d’une équipe

Découvrir le sujet, explorer la thématique

Cette phase de découverte du sujet est profondément exploratoire et consiste à construire de la connaissance afin d’avoir une vue la plus large. Cette connaissance permettra de poser la ou les questions clés du problème à résoudre.

Pour ce faire nous avons commencé à explorer deux dimensions, le quoi et le qui.

Le quoi : qu’est-ce qu’un évènement climatique ?

Le qui : quelles sont les parties prenantes ?

Travailler dans ces deux directions, de manière itérative nous a permis d’élargir notre représentation initiale du sujet. En particulier l’exploration des parties prenantes ouvre le champ de la réflexion à des acteurs et par ricochet élargit la représentation du sujet (le quoi).

Conseil #2 : utiliser un canevas afin d’identifier et cartographier les parties prenantes

Exemple de canevas d’identification des parties prenantes

Au centre du cercle les utilisateurs, puis les acteurs directs et acteurs indirects

Pour développer de la connaissance autour de la thématique « évènements climatiques », au-delà de notre équipe de deux personnes, nous avons actionné deux leviers :

  • réaliser des interviews
  • commanditer une étude de veille auprès d’une de nos collègues fraîchement arrivée dans l’entreprise.

Réaliser des interviews : identifier les personnes-ressources

Dans une approche design, qui par nature met l’utilisateur au centre, il est fréquent de s’immerger dans des contextes, ou de réaliser des interviews utilisateurs, approche inspirée de la sociologie.

Ici, nous avons choisi dans un premier temps d’interviewer des acteurs internes, liés par leur prisme métier à la thématique évènements climatiques : collègues de la gestion des sinistres, de la conception des offres (marketing), de la réassurance, collègues de la tarification, du contrôle de gestion assurance, de Fondation MAIF établissement reconnu d’utilité publique, de Prévention MAIF association reconnue d’intérêt général.

Cette approche offre 2 avantages notoires : le premier c’est la frugalité, le deuxième c’est la mise en lien avec l’écosystème interne.

En réalité, cela revient à utiliser intuitivement les principes de l’effectuation.

L’effectuation, de quoi s’agit-il ?

L’effectuation est issue de travaux de recherche menés aux USA il y a une vingtaine d’années par Saras Sarasvathy, lors de sa thèse supervisée par Herbert Simon, et popularisée en France par Philippe Silberzhan professeur d’innovation. Saras Sarasvathy voulait répondre à la question suivante : “existe-t-il une logique entrepreneuriale ?”

Par extension les principes d’action des entrepreneurs, c’est-à-dire l’effectuation, sont également valables pour un innovateur, ou pour un acteur du changement.

Il y a 5 principes, à la fois simples et subtils :

  • Principe 1 : « démarrer avec ce que l’on a »
  • Principe 2 : « agir en pertes acceptables »
  • Principe 3 : « engager les parties prenantes dans votre action »
  • Principe 4 : « tirer parti des surprises »
  • Principe 5 : « créer le contexte »

Ces principes permettent à l’innovateur portant un projet empreint d’incertitude de contrôler son risque. Ainsi nous avons, dans ce projet d’innovation par le design, utilisé les trois premiers :

  • Démarrer avec ce que l’on a, et agir en perte acceptable, ou comment fonctionner avec les moyens du bord et faire appel à des ressources disponibles ? À bord de MAIF, nous avons un équipage de 8 000 personnes aux profils et aux compétences variées ! Nous pouvons accéder facilement à des collègues qui auront une connaissance fine du sujet, au regard de leur métier. Par ailleurs il sera aisé d’organiser et de caler 1 h dans les agendas de nos collègues, ce sera pour eux une perte acceptable de nous consacrer un peu de leur temps.
  • Engager les parties prenantes, cela consiste à co-construire de manière dynamique avec les acteurs. Sans aller aussi loin, le fait d’initier les interviews nous met clairement en lien avec l’écosystème interne, et nous rapproche du principe 3 de l’effectuation, « engager les parties prenantes dans votre action ». Une fois la matière collectée puis thématisée nous reviendrons vers les personnes interviewées pour leur restituer la matière, collecter leurs retours et ainsi les impliquer dans la démarche.

Réaliser des interviews : construire le guide d’entretien…

Il est d’usage de construire un guide d’entretien, cela permet de poser les objectifs recherchés et de structurer une base de questionnement. Pour illustrer concrètement ce guide, et sans rentrer dans les détails, voici les thématiques que nous avons abordées :

  1. Introduction des motivations de notre rencontre
  2. Présentation de la personne interviewée, rôle dans la structure
  3. Définitions — le quoi :
    – Qu’est-ce qu’un risque climatique selon elle ?
    – Quelle serait une définition des risques climatiques d’après elle ?
    – Quelle en est la perception des enjeux ?
    – Quelles seraient les grandes thématiques composant le sujet des risques climatiques ?
  4. Les connexions
    Est-elle connectée à ce sujet ? à quels écosystèmes ?
  5. Le vécu
    A-t-elle une ou plusieurs anecdotes/histoires/faits à raconter à propos des risques climatiques ? ou la plus grande fierté de projet/vis-à-vis de ce sujet ? ou un flop ?
  6. Les inspirations
    – Quelles sont ses inspirations liées à ce sujet ?
    – Si on vous dit diversification et climatique, à quoi pensez-vous ?
    – A-t-elle en tête des personnes externes, des spécialistes, influenceurs que l’on pourrait contacter ?
    – A-t-elle des études, des documents, de la matière à nous transmettre ?

… puis conduire les entretiens

Conseil #3 : la posture de l’interviewer est clé, l’écoute notamment est essentielle.
Le guide d’entretien peut être laissé de côté, car l’idéal est d’avoir sa structure en tête pour être totalement dans la relation avec la personne et dans l’écoute. Pratiquer la clarification par la reformulation, le rebond en fonction des propos de votre interlocuteur.

La France est confinée depuis le 17 mars. Nous décidons d’organiser un atelier d’intelligence collective à distance qui se tiendra le 23 avril. Les premiers pas du travail à distance nous permettent de dégager des risques et des enjeux sur le processus d’idéation à distance.

Distanciel : les problèmes à éviter :

  • L’attention prolongée en distanciel est difficile, cela demande une écoute profonde, le non verbal étant moins présent voire absent. Le temps de latence des réponses et les prises de paroles « intempestives » rendent la régulation nécessaire. Le premier enseignement est qu’il semble donc illusoire de faire un atelier d’idéation sur une demi-journée complète, encore moins sur une journée.
  • L’enjeu clé, pour cet atelier, sera de proposer aux participants une expérience fluide et de répondre à nos objectifs, à savoir identifier des pistes de concepts en lien avec notre sujet.

L’identification des participants

Pour se faire nous invitons nos collègues du 1° cercle, service innovation, pôle expérience (UX design), direction marketing habitués à la participation en présentiel à des ateliers d’idéation.

Le processus, c’est le socle de l’atelier

  • Nous découpons le processus en 4 phases distinctes, séparées dans le temps, afin de résoudre le problème lié à l’attention évoqué au début de cet article.

Les 4 phases du processus, du sens à l’idéation

Temps 1 — Le sens (1 h)

Ce premier temps d’1 h est consacré à embarquer nos collègues sur la thématique en partageant des éléments de sens (le quoi et le pourquoi) et en éclairant sur le processus (le comment).

Temps 2 — Les outils (1 h)

Le temps 2 du processus est consacré à la prise en main de l’outil mobilisé pour l’atelier (MIRO), Teams outil de visio-conférence ne nécessitant pas d’apprentissage, car intégré par la force des choses dans les usages. L’embarquement sur les outils est lui-même découpé en 2 phases : une démonstration des fonctionnalités et la prise en main. Ce choix nous permettra de rassurer tout le monde, et de nous focaliser sur les contenus lors de l’atelier en évitant la résolution de problèmes techniques.

Temps 3 & 4 — La phase d’idéation (2 X 1 h 30)

La phase d’idéation est le centre de l’atelier. La pause méridienne permet de découper en 2 parties avec un travail en 3 sous-groupes, pour lequel un membre de l’équipe cœur du projet sera facilitateur/facilitatrice (nous sommes maintenant trois dans l’équipe). Par ailleurs pour cette phase nous avons défini le rôle de rapporteur proposé en amont à un participant dans chacun des sous-groupes. Cela répond à l’enjeu de mettre en place une expérience fluide et agréable.

Enfin pour le travail en plénière nous ajoutons un rôle de modérateur pour transmettre le bâton de paroles lorsqu’il y a des questions notamment.

Conseil #1 : ne pas hésiter à poser les rôles pour l’atelier. Rôle de facilitateur de l’atelier, facilitateur de sous-groupe, rapporteur, modérateur dans notre contexte.

Pour nous donner les meilleures chances de succès à cet atelier, nous demandons ensuite aux participants de réaliser un travail préparatoire en dehors de l’atelier, donc en mode asynchrone. Rétrospectivement le travail asynchrone sera pour moi une des grandes révélations du 1° confinement pour rechercher de l’efficience dans la gestion des projets.

Cette phase préparatoire porte sur le quoi. Nous envoyons à nos collègues un cahier d’inspiration qui permet à la fois de s’immerger dans la thématique et qui a pour but de favoriser l’idéation. Nous les invitons à choisir « une inspiration qui les inspire » que nous leur demanderons de partager en début d’atelier dans la phase d’inclusion (phase sur laquelle nous reviendrons).

Conseil #2 Demander aux participants un travail préparatoire asynchrone pour les embarquer et gagner du temps pendant l’atelier

Conseil #3 Envoyer une check-list avant l’atelier. Pour illustration, voici celle envoyée aux participants :

#1 Vous avez pris connaissance du cahier d’inspiration ?

#2 Vous avez choisi une inspiration qui vous inspire ? Vous la positionnez dans MIRO dans un frame

#3 Vous connaissez la (ou les) thématique(s) que nous allons traiter lors de l’atelier ? Elles sont formulées en « Comment faire pour… »

#4 Vous avez un compte MIRO ? et vous avez accès la frise climatiques ?

#5 Vous avez à portée de main crayon et papier ?

#6 Vous avez pris connaissance de votre groupe ? Des rôles : facilitateur ; rapporteur ; modérateur pivot.

Réussir la phase d’inclusion

La phase d’inclusion dans un atelier d’intelligence collective est clé. Elle permet de passer du Je au Nous, d’une collection d’individus à un groupe puis une équipe engagée vers des buts communs. Il existe de multiples façons de faire une phase d’inclusion, avec par exemple un energizer (mise en énergie) ou encore un ice-breaker. Dans notre contexte, nous avons fait l’inclusion en deux temps. Le premier temps consistait à dessiner son autoportrait et de le partager caméra allumée puis ensuite de faire un « tour d’écran » où chacun expose « l’inspiration qui l’inspire ».

Cet atelier a répondu aux objectifs que nous nous étions fixés et également à un apprentissage clé : la préparation et la mise en œuvre des ateliers à distance demandent beaucoup d’énergie ! Nous décidons par conséquent de ne pas faire d’autres ateliers, ce qui était notre intention initiale, mais d’itérer sur l’émergence de concepts au niveau de notre petite équipe.

Mettre au point des fiches concept pour synthétiser les idées

Après quelques itérations au sein de l’équipe cœur, nous parvenons à faire émerger 10 concepts. Nous décrivons ces concepts au moyen de “template” ad ’hoc. Cette description nous permet à la fois de clarifier notre pensée et de partager par la suite nos concepts.

La fiche concept contient 6 rubriques :

  • Le nom du concept et une phrase résumant la proposition de valeur
  • Les problèmes identifiés à résoudre
  • Une description détaillée du concept
  • Les bénéfices pour les parties prenantes
  • Le déroulé du service, le parcours proposé à l’utilisateur
  • Le positionnement du service : avant, pendant, après un évènement climatique.

Exemple de fiche concept utilisée :

Fiche du concept “Je sais où je m’installe”, que l’on renommera par la suite “Aux Alentours”

Qu’est-ce qui pourrait avoir plus de valeur ?

Sur quel concept porter nos efforts et nous focaliser ? Pour prendre une décision et identifier la valeur relative de ces 10 concepts, nous décidons de mettre en place un processus de sollicitation d’avis (advise process). De quoi s’agit-il ? La sollicitation d’avis est un mode de décision distribué à la fois simple et efficace, observé dans les organisations Opale. Ce processus est décrit dans « Reinventing Organizations » de Frédéric Laloux.

« Avec la sollicitation d’avis, toute personne est habilitée à prendre n’importe quelle décision. Mais au préalable elle doit solliciter l’avis de ceux qui sont concernés par la décision ainsi que des spécialistes du sujet » [1].

Par ailleurs, plus la décision est stratégique, plus le nombre de personnes consultées doit être large et la consultation doit remonter au directeur ou au COMEX.

Qu’est-ce que cela permet ? Quels sont les bénéfices de ce processus ?

« La sollicitation d’avis permet à la bonne personne de prendre des décisions au bon niveau » [2]
« La sollicitation d’avis est une forme simple de prise de décision qui transcende à la fois le consensus et l’action unilatérale. »

Mise en œuvre de la sollicitation d’avis : la collecte de feedbacks

Nous organisons 6 sessions en distanciel, avec un maximum 3 personnes pour une expérience fluide (échanges à l’oral) et tenir les objectifs de durée de la session (1 h 30). Nous “pitchons” tour à tour les 10 concepts en partageant le canevas présenté précédemment, puis nous posons 3 questions écrites à nos interlocuteurs,

1- Ce que tu as apprécié ?

2- Ce que tu ferais différemment ?

3- Ce qui te pose question ?

Nous invitons chacun à présenter les réponses proposées. Puis, pour compléter la collecte de feedbacks nous posons 2 questions complémentaires :

Quelle est la désirabilité perçue du point de vue utilisateur ?

Quelle est la désirabilité perçue du point de vue MAIF ? Ces questions nous permettent d’avoir une approche « data driven », c’est-à-dire piloter par la donnée, et justifier nos choix si besoin.

Note de désirabilité perçue sur 3 concepts :

Clé de lecture : nombre de votes obtenus par concept, pour exemple pour le concept 2,5 personnes ont donné une note de 4 pour la désirabilité (perçue) utilisateur et la désirabilité (perçue) MAIF.

Retour d’expérience de ce processus de décision

Les retours des participants sont très positifs, liés à l’interactivité et au rythme. Pour l’équipe cœur, les feedbacks sont précieux : nous n’avons pas connaissance de tous les projets existants, des concepts sont parfois jolis sur le papier, mais la faisabilité questionne. Le concept #1 sera partagé auprès d’une entité qui pourrait le porter le cas échéant, le concept #2 est abandonné, car il a déjà été instruit et rejeté pour des raisons de viabilité, nous retenons le concept #3, qui nous semble au-delà des notes collectées, intéressant à creuser. Par ailleurs, nous partagerons nos choix lors d’un CODIR stratégique.

L’avantage est que la décision est prise de manière autonome et peut se justifier si besoin. Pour élargir le propos, les 2 principes clés de l’agile sont des boucles de rétroaction courtes (feedback) et une équipe auto-organisée donc en capacité de prendre des décisions sur son périmètre, c’est clairement ce que nous avons pu mettre en œuvre.

La vision et la mission du produit

Au cours d’un atelier, nous affinons les éléments de communication du futur produit en posant plus clairement la vision du produit. La vision, c’est le “why”, c’est un futur désirable, le problème que l’on souhaite résoudre. La vision de « Je sais où je m’installe » est la suivante : les risques climatiques sont peu visibles, la connaissance du risque des citoyens semble faible, notre vision est de rendre visible le risque, dans un contexte de dérive climatique où il va s’aggraver.

Nous affinons également la mission du futur produit. La mission c’est le “quoi” du produit, également appelée proposition de valeur : en quoi le produit nourrit la vision ? Notre mission est d’apporter de la connaissance permettant de caractériser une adresse et ses alentours pour aider à la décision lors d’un projet immobilier par exemple et pour aider à développer une culture du risque.

Nous renommons aussi le produit pour que cela soit plus impactant, il devient Aux Alentours. Ainsi avec un nom plus percutant, une vision et une mission, nous sommes armés pour pitcher le produit et chercher à convaincre de son intérêt !

Le prototypage et sa présentation

Pour prototyper le produit, l’équipe s’agrandit rapidement et passe de 3 personnes (un designer de service, une stagiaire en design, un owner qui porte la vision du produit) à une équipe élargie avec un lead développeur, un développeur et un intégrateur web : l’équipe “Tech innovation”. En quelques semaines, l’équipe design conçoit la maquette fonctionnelle (wireframe) du produit digital, les interfaces utilisateurs et les composants associés et en moins de trois mois (💪), l’équipe “Tech” rend tangible le produit avec un site internet qui matérialise la proposition de valeur, permet de visualiser sur une carte interactive pour n’importe quelle localisation en France les risques : inondations, sécheresse géotechnique…, et également les commodités autour d’une adresse.

Le prototype est prêt ! Et ça, ça change tout ! Plus précisément c’est un MVP, un Minimum Viable Product. Nous organisons des démonstrations du produit en interne afin de collecter du feedback, un peu plus d’une vingtaine de « démos » sur la période octobre-novembre 2020. Cette période est particulièrement stimulante, car les retours que nous avons sont très positifs. Nos collègues sont agréablement surpris par la rapidité d’exécution, la pertinence du produit, les avis sont mêmes parfois dithyrambiques, jusqu’à l’effet « WAOUH ». Le fait d’avoir un prototype fonctionnel est un véritable moteur de conviction, car les collègues se projettent beaucoup plus facilement dans le produit et la valeur qu’il apporterait.

Un cas d’usage trouvé par sérendipité

Lors d’une démo réalisée en interne, en vue d’explorer le potentiel externe du produit, nos collègues se montrent très intéressés par la solution pour leur propre usage ! La démo devient ainsi un déclencheur de coopération interne, et nous décidons de travailler ensemble une version spécifique du produit pour leurs besoins.

Pour se faire nous organisons courant novembre un atelier de co-construction associant 3 services de leur Business Unit, et l’équipe “Tech innovation”. Par la suite, au cours du premier semestre 2021 nous itérons ensemble sur la solution avec les utilisateurs au cœur de la démarche et un prototype est opérationnel dès le mois de juin.

Ce cas d’usage est particulièrement intéressant, car il a été trouvé par sérendipité, c’est-à-dire par hasard. Il est inattendu, c’est une surprise. J’évoquais dans l’épisode 2, l’effectuation, les principes de fonctionnement des entrepreneurs mis en lumière par Saras Sarasvathy et popularisés par Philippe Silberzahn. Tirer parti des surprises, c’est le 4° principe de l’effectuation et c’est surtout la matière première de l’innovateur ! Ainsi, nous percevons rapidement la valeur de ce cas d’usage pour le projet et décidons de l’investiguer.

Nous organisons également quelques démos en externe avec des grands comptes pour explorer le potentiel du produit et nous menons des tests utilisateurs auprès de la cible B2C du produit. Forts de ces insights, nous lançons une deuxième itération de la version B2C.

Le Lean startup pour vérifier des hypothèses

La démarche décrite précédemment n’est autre que le Lean startup conceptualisé par Éric Ries : construire — mesurer — apprendre. Le Lean startup est un paradigme d’apprentissage, inspiré des sciences en particulier par la science physique : poser un cadre expérimental rigoureux pour vérifier des hypothèses.

La construction d’un premier produit imparfait, avec quelques fonctionnalités, permet de collecter du feedback rapidement et d’apprendre pour itérer. L’important est d’aller au contact avec la cible pressentie le plus vite possible. Un des fondateurs d’un célèbre réseau social professionnel, Reid Hoffman, écrit à ce propos :

« Si tu n’es pas embarrassé par la première version de ton produit, c’est que tu l’as lancé trop tard ! »

L’approche Lean startup dans notre contexte

L’approche DVF : Désirabilité/Faisabilité/Viabilité

L’innovation par le design, en particulier l’approche formulée par IDEO, stipule que l’innovation se trouve à la croisée de 3 chemins : le produit est-il désirable pour les utilisateurs ? Est-il possible de délivrer le produit, par exemple d’un point de vue technologique, juridique, etc. ? Le produit est-il viable pour l’organisation qui le produit ? Ces 3 axes forment la boussole de l’innovateur.

La boussole de l’innovateur : l’innovation au carrefour de la désirabilité — faisabilité — viabilité

La désirabilité du produit

À ce stade de la construction du produit nous avons appris que la solution est désirable pour certains utilisateurs finaux. En effet lors des tests utilisateurs, nous avons échangé avec quelques (rares) personnes qui se posent la question des risques d’une habitation avant de l’acheter. Par ailleurs, la solution est également désirable pour les parties prenantes internes, c’est l’enseignement clé des démos.

La faisabilité du produit

Concernant la faisabilité, nous n’identifions pas d’obstacles majeurs, et nous avons un MVP construit en 3 mois. Les itérations successives du produit se focalisent sur l’amélioration de l’UX, en particulier pour développer plus fortement la pédagogie des informations sur les risques, sur l’UI, et sur la mise en API (Interface de Programmation d’Application) complète du produit.

La viabilité du produit

Le produit est-il viable pour l’organisation qui le génère ? Cette question est très souvent la plus délicate dans un projet d’innovation, car elle est liée à la désirabilité du service pour la cible visée d’une part, et elle sous-tend la question du modèle économique du services (le business model).

Nous formulons quelques hypothèses de modèle économique, par exemple un modèle de type freemium : des fonctionnalités sont gratuites et permette de “goûter” au produit, puis des fonctionnalités à plus fortes valeurs sont payantes. En outre le service s’appuie sur une centaine d’API développées, l’accès à ces API pourrait se monétiser sous forme d’abonnement par exemple (modèle économique de type SaaS – Software as a service) auprès d’une cible B2B qui diffuserait directement le service sur son propre site en marque blanche par exemple.

Cependant nous avons rapidement un conviction forte : proposer le service en libre accès de manière gratuite, en B2C. En effet, face aux enjeux climatiques, la sensibilisation du plus grand nombre nous semble importante d’une part et Maif joue son rôle de société engagée au coeur de la Cité d’autre part !

La question de l’activation du produit

Les démonstrations produits décrites précédemment (cf. épisode 5) nous ont amené à identifier une réflexion en cours concernant un parcours “achat immobilier”. Ce parcours embrasse nombre des fonctionnalités que nous concevons et développons. Ainsi l’intégration dans le réel, et l’activation sociétaire se fera en B2C sur maif.fr via ce parcours. A noter que l’activation sur maif.fr permet la scalabilité du service et toucher ainsi un grand nombre d’utilisateurs, sociétaires et prospects. D’autres convergences opérationnelles sont également identifiées avec nos collègues data scientists ou actuaires, nous permettant d’enrichir certaines fonctionnalités du produit.

Au cours du premier semestre 2022, nos collègues du marketing stratégique choisissent de présenter l’initiative “Aux Alentours” au salon Web2day à Nantes en juin ! Nous sommes à nouveau en présence d’une surprise, la matière première de l’innovateur et le 4° principe de l’effectuation, “tirer parti des surprises, que j’évoquais dans l’épisode 2 ! Nous profitons de cette opportunité, pour faire une montée de version significative sur l’UX et l’UI du démonstrateur et en parallèle l’intégration sur maif.fr est opérationnelle pour cet évènement. Ce salon nous offre l’occasion de faire des démos sur le stand Maif, de collecter du feedback et d’augmenter la notoriété de l’offre en interne !

L’innovation, un chemin d’apprentissage et de conviction

Les innovateurs le savent, l’innovation ce n’est pas juste quelque chose de nouveau, ce ne sont pas non plus des idées, des post-it posés sur un tableau, ou encore des concepts dans un support de présentation, l’innovation c’est quelque chose qui se construit, qui se diffuse dans le réel et là c’est plus compliqué, c’est même complexe et empreint d’incertitude !

Je l’évoquais dans l’épisode 1, innover s’inscrit dans un temps long et dans un temps d’apprentissage, comme l’illustre Miguel Aubouy dans Le chasseur, le mage, et le cultivateur ou les trois épreuves de l’innovation :

« Dans une économie de l’innovation, le temps dominant est celui de la gestation : le temps nécessaire pour qu’émerge, d’une manière qui reste à inventer, une chose dont nous devons encore apprendre ce qu’elle est. C’est fondamentalement un temps d’apprentissage. Il est à la fois personnalisé et indivisible. »

Qu’est-ce qu’innover ?

Innover, c’est intégrer un changement, de manière durable dans le réel,

Intégrer un changement durable dans le réel amène les innovateurs à se frotter aux modèles mentaux — les lunettes avec lesquelles nous regardons le monde — à l’échelle d’une personne, d’un service ou d’une organisation.

Intégrer un changement, c’est aussi de manière quasi mécanique et quelle que soit l’organisation, se frotter aux anticorps organisationnels, tel que par exemple le mindset, l’acceptation de la prise de risque, les processus de l’organisation (budget, management par objectif…). Par chance, le produit que nous portons génère de l’adhésion et dispose de ses propres moyens pour faire grandir l’initiative, nous rencontrons in fine peu d’anticorps organisationnels !

7 facteur clés de succès, pour innover dans notre contexte

Innover n’est pas un fleuve tranquille, c’est bien un temps long d’apprentissage et un chemin de conviction. Nombre d’ingrédients sont nécessaires pour parvenir à ce résultat, dans notre contexte j’en identifie 7 :

  • 1️⃣Une démarche d’innovation en phase avec l’intention stratégique,
  • 2️⃣Une petite équipe dédiée avec un fort niveau d’expertises (designer de service, lead développeur, développeur, intégrateur, product manager avec une bonne connaissance de l’entreprise, qui porte la vision et gère les interfaces avec l’organisation). Par ailleurs, chaque membre de l’équipe a de l’expérience sur des projets d’innovation et également un mindset adapté.
  • 3️⃣Des ressources dédiées (hommes, euros, environnement technique), une équipe dont la mission est d’innover, rassemblée sous un même manager : réduction des adhérences, décisions rapides, réduction du time to deliver et in fine réduction du time to market.
  • 4️⃣Un manager qui soutient totalement la démarche, ayant lui-même une expérience de projets d’innovation,
  • 5️⃣Des adhérences limitées avec le reste de l’organisation et une équipe véritablement autonome, qui prend les décisions à son niveau et livre petit, souvent.
  • 6️⃣Un produit simple qui ne sollicite pas les usines de conception-fabrication des produits d’assurance.
  • 7️⃣Un produit en phase avec les préoccupations du moment, à la fois internes et sociétales, qui suscite de l’intérêt, génère du sponsorship et des coopérations : l’innovation est un processus éminemment social !

Conclusion

Pour ma part, j’ai adoré et ressort grandi de cette expérience,

La page blanche du départ conduit in fine à un résultat tangible, matérialisé sous forme de plusieurs produits digitaux. Les cas d’usages multiples répondent à des enjeux tant internes que sociétaux. Ce travail d’intégration se poursuit pour permettre d’exprimer son plein potentiel. J’ai pu au travers de ces quelques articles témoigner de cette expérience et du chemin parcouru et également nourrir mon plaisir d’écrire !

La timeline du projet

https://medium.com/maif-data-design-tech-etc/episode-2-dans-les-coulisses-dune-d%C3%A9marche-d-innovation-de-services-7cfb89355e88

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