Innovation collaborative, Co-innover avec son écosystème : Quels modes de relation établir ? par V Lacour

 A l’heure d’une compétitivité toujours plus féroce, où l’émergence de nouveaux usages impactent les modèles économiques, l’entreprise doit se réinventer dans sa manière d’innover. Innover en interne n’est aujourd’hui plus suffisant : la performance des entreprises passe par l’open innovation.

Co-innover, co-développer nécessitent d’établir des relations différentes avec des acteurs variés de son écosystème : clients, fournisseurs, partenaires, et parfois avec ses propres concurrents.

C’est à partir de ce constat que le cabinet d’avocats Bird & Bird et le cabinet de conseil Buy.O Group ont mené conjointement cette étude. Près d’une cinquantaine d’acteurs ont apporté leur témoignage (grands groupes, PME, start-up, organisations publiques …).

L’objectif est de dresser un panorama des pratiques actuelles et des modes de relation permettant de mieux appréhender ces nouveaux modèles de coopération.

 

Cette étude a permis de mettre en exergue huit enseignements clés :

 1. L’ensemble des acteurs positionnent les démarches collaboratives d’innovation et de développement comme un  enjeu stratégique.

Trois principales raisons apparaissent comme moteur à ces démarches pour préserver et renforcer la compétitivité des entreprises :

–        Recherche d’expertises spécifiques

–        Accès rapide à des technologies (solutions techniques ou briques de solutions)

–        Gain de Temps/Time to market

L’objectif final  étant d’acquérir plus d’agilité pour proposer des solutions différentiantes, dans un délai plus court et le plus adapté aux marchés ciblés.

 

2. Le « faire avec » modifie le processus classique de management de l’innovation, des phases de génération d’idées à leur concrétisation et mise en oeuvre opérationnelle.

On observe trois principales modifications:

–        Le passage d’une logique de donneur d’ordre vers une logique de partenariat ;

–        Le passage d’une dynamique séquentielle à un processus plus itératif ;

–        L’évolution vers plus de décloisonnement et d’ouverture ;

 

3. Si une ambition forte est affichée concernant l’importance d’une telle démarche, son niveau de maturité et d’intégration reste variable selon les acteurs rencontrés :

–        Au niveau stratégique : le stade de l’initiative a été largement dépassé et ces démarches cherchent maintenant à s’intégrer au plan stratégique des entreprises ;

–        Au niveau organisationnel : ces démarches restent portées par quelques individus et un véritable « travail d’évangélisation» doit encore être mené pour transformer la culture et la posture des entreprises et les ancrer durablement dans leur ADN ;

–        Au niveau pilotage : si certains lient la contribution de ces démarches à la performance de l’entreprise, d’une manière générale la recherche de « success stories » sur lesquelles s’appuyer pour bâtir une véritable reconnaissance interne prédomine.

 

4. L’écosystème de collaboration est riche, composé de multiples partenaires et dépasse le triptyque « Salariés, Fournisseurs, Clients ».

Les incubateurs, les pôles de compétitivité, les think tank, les labos de recherches sont autant d’acteurs qui gravitent dans la sphère des entreprises aux côtés de partenaires plus traditionnels comme les clients, les universités, les fournisseurs, les start-ups…

Si tous ces acteurs sont perçus comme des contributeurs, ils sont mobilisés de manière spécifique selon la nature de leur contribution respective (expertise spécifique, ressources et moyen, technologie, mutualisation du risque, des coûts, etc…)

 

5. Afin de co-innover et co-développer efficacement les acteurs rencontrés cherchent à faire évolué leur posture qui se caractérise au travers de 7 axes :

–        Flexibilité et adaptabilité ;

–        Confiance : développer des relations fondées sur le respect, l’écoute et l’échange ;

–        Partage : capacité à s’ouvrir, à partager les enjeux  mais aussi les risques, les modèles économiques, les résultats issus de ces démarches ;

–        Recherche du compromis en cas de difficulté ;

–        Logique de test et d’itération ;

–        Décloisonnement / ouverture des mentalités : capacité à favoriser le dialogue entre services, à ouvrir la porte aux partenaires dans des organisations parfois complexes ;

–        Initiative et esprit de conquête : oser sortir du cadre classique et  faire différemment

 

6. Un cadre juridique de collaboration, dicté par le niveau d’agilité et de flexibilité.

Devant la multiplicité des réponses, il n’existe pas de solution unique, de meilleur dispositif juridique.

Le choix dépend du stade de maturité du projet, de l’intégration et l’engagement des parties et de la probabilité élevée de passer au stade de l’exploitation. Différents outils contractuels sont ainsi mobilisés, du contrat à la création d’une structure juridique commune. Bien qu’apparentés à une certaine contrainte, les outils juridiques peuvent être flexibles et doivent avant tout chercher à s’adapter aux besoins, enjeux et spécificités des différentes parties prenantes.

 

7. Les risques inhérents aux démarches de co-innovation et co-développement semblent pleinement assumés et considérés comme faisant partie intégrante de la dynamique de collaboration.

Il y a peu de contentieux, les parties cherchent avant tout des solutions de compromis dans la gestion des dérives éventuelles (mise en place de procédure d’escalade, médiation, …).

Cinq principaux risques sont néanmoins mis en exergue :

–        Difficulté à trouver le partenaire adéquat, celui avec lequel la collaboration va pouvoir s’effectuer sur l’intégralité du projet dans un esprit de confiance et de bénéfice réciproques ;

–        Divergence sur les intérêts du projet : dans l’évolution de la collaboration, des désalignements peuvent apparaître et nuire, à  la collaboration et l’atteinte des objectifs initiaux ;

–        Difficulté à mobiliser des ressources et moyens en interne sur la durée du projet ;

–        Difficulté à définir le cadre de la collaboration : en termes de  modalités économiques et juridiques ;

–        La dissémination de la Propriété Intellectuelle ou encore son appropriation par le partenaire : capacité à préserver ses savoirs (informations, expertises, process,…) tout en assurant un niveau de partage nécessaire au succès de l’opération.

 

 8. La valeur issue de ces démarches collaboratives est multiforme et se traduit à travers différents mécanismes de partage.

Aujourd’hui, aucune réponse structurée relative au partage de la valeur ne se distingue de manière évidente.  D’une manière générale, le modèle de création de valeur reste à construire. Chacun cherche à valoriser et retirer l’attente placée au départ du projet de collaboration.

La valeur tirée de ces démarches de co-innovation, co-développement apparaît donc comme relative et multiforme :

–        Economique : réduction de coût / gains financiers / financement et subvention

–        Opérationnelle : retour d’expérience, apprentissage ;

–        Image : notoriété et reconnaissance, notation extra-financière, …

 

Conclusion :

Cette étude démontre que le « Partage » est au cœur de ces démarches de co-innovation et co-développement.

Il faut appréhender cette révolution en marche où l’on passe d’une logique de possession à celle d’usage, de l’univers du produit à celui des services.

La clé du succès pour remporter ces défis présents et futurs réside dans l’activation du bon écosystème et d’une meilleure collaboration.

 

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