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Quelques repères et conseils pour réussir du codéveloppement à distance par C Champagne

Propos de praticiens du codéveloppement à distance en ces temps difficiles

Texte produit en collaboration, coordination de Claude Champagne*

Comme animateur de groupes de codéveloppement partageant les valeurs humanistes d’entraide, de partage, de bienveillance et de respect, comment puis-je agir pour apporter du lien et de l’humanité dans ce contexte de confinement nécessaire que l’on doit s’imposer ? Quel est le sens de ma contribution professionnelle ?

Apprendre ensemble et s’entraider sont les premiers objectifs du groupe de codéveloppement professionnel. Dans un contexte de confinement, le codéveloppement peut continuer à répondre à ces intentions. Mais les besoins sociaux d’affectivité et d’appartenance prennent une tout autre importance. Considérant que les réunions en présence ne sont plus une option, les possibilités du distanciel deviennent évidentes. La situation de pandémie et le confinement qui y est associé invitent à rendre le codéveloppement encore plus facile d’accès. Il est possible de lui apporter plus de souplesse tout en demeurant respectueux de ses valeurs. Ce serait formidable que le codéveloppement et son processus ouvrent à un plus grand nombre de personnes des possibilités de socialisation et d’échange, apaisent les tensions dans le partage et mènent vers l’action.

L’expérience du codéveloppement en distanciel est différente de celle qui se vit en présence, mais il est étonnant de constater ce qu’elle permet de réaliser. Lorsque familiers avec la technologie, la connexion entre les participants peut être assez impressionnante. Quelques repères sont proposés ici pour du codéveloppement en distanciel adapté au contexte, en ouvrant les possibilités mais sans renier les pratiques habituelles pour vivre l’effet codéveloppement.

Au travers ce que nous vivons dans la pandémie et des projets d’action que nous pouvons construire, ceci n’empêche pas, comme animateur et praticien, de continuer à demeurer centrés sur l’essentiel de notre pratique réflexive. Profiter de l’occasion de s’arrêter, ralentir, à tenter de se déposer et de se poser les questions « Quelle est mon intention ? Quelle est l’intention de mon action ? Quelles peuvent en être les conséquences ? Que vit ce client ? Comment puis-je l’aider ? » Se hâter lentement… Le codéveloppement n’est pas une méthode à la recherche d’un problème. Nous ne sommes pas des praticiens qui n’avons qu’un seul marteau comme outil et qui serions à la recherche de clous à enfoncer mais des personnes et des praticiens qui souhaitons le mieux pour tous.

La technologie permet de tenir des rencontres qui seraient actuellement impossibles autrement. Nous encourageons son utilisation sans s’y soumettre. C’est un défi d’utiliser la technologie avec tout son potentiel et de s’en détacher pour bien s’occuper des personnes, privilégier le lien et le relationnel. L’animateur doit avoir l’œil sur la route, écouter les instructions du client en ce qui a trait à sa carte routière, garder les mains sur le volant et s’assurer que les passagers profitent du voyage malgré la route cahoteuse.

Ces repères, questions et points de vigilance sont présentés selon une séquence de déroulement pour un animateur préalablement en maîtrise de la méthode et de l’approche et qui souhaite explorer le distanciel. Ils ont été produits et partagés par des praticiens motivés par l’apport de la méthode et par leur souci de contribuer à la mesure de leur expertise, en toute générosité.

1.      Préparer

Identifier la nature des objectifs du groupe : Quelle forme de codéveloppement proposer, habituelle ou adaptée ? Y aura-t-il un thème ? Les participants souhaitent-ils une rencontre unique ou s’inscrire dans un processus de quelques rencontres ? Dans la situation actuelle de pandémie, il est possible qu’il s’agisse au départ d’une expérimentation qui pourra démarrer un cycle ou pas. Quelles sont les intentions autres que de répondre à du soutien mutuel et de socialiser durant le confinement ? Ultimement il faudra aussi se poser la question de savoir si le codéveloppement avec la séquence de consultation est vraiment la formule la plus appropriée. Il se peut qu’il soit préférable de privilégier les demandes des personnes à la méthode, tout en s’inspirant des valeurs et de l’approche du codéveloppement.

Constituer le groupe : Qui fera partie du groupe ? Qui peut inviter qui et sur la base de quels critères ? Les participants apprécieront peut-être de connaître la liste des participants avant de convenir de leur décision finale. Étant donné les contraintes de taille d’écran, un nombre maximum de participants devrait être de 7. Avec celui de l’animateur cela fait 8 personnes à l’écran. Vérifier que l’objectif des participants potentiels soit en adéquation avec celui du groupe de codéveloppement. Considérer les fuseaux horaires, le cas échéant.

Choisir une technologie appropriée : S’assurer que l’application ou le service choisi est accessible à tous les participants et qu’ils ont une connexion avec une bande passante suffisante pour assurer une visioconférence. Préférer une connexion filaire, l’ordinateur et la tablette ; éviter, si possible, les connexions cellulaires et les téléphones intelligents. Il existe des plateformes ou services en ligne dédiés au codéveloppement et des collecticiels de téléconférence qui peuvent répondre aux besoins.

Anticiper les problèmes techniques : Il peut arriver que la connexion coupe ou soit de mauvaise qualité. Il faut tenter d’éviter que les problèmes de connexion numérique n’aient des effets négatifs sur la connexion humaine. Ces soucis techniques génèrent de la frustration pour celui qui vit le problème non sans causer des perturbations dans le groupe. Comme animateur il est mieux de ne pas se laisser envahir par la frustration ou perdre le focus. Comment se préparer ? Faire un test de connexion et un exercice de préparation préalablement à la première rencontre est une étape utile. Des communications parallèles sont possibles sur une messagerie instantanée ou auprès d’une personne du groupe désignée pour les recevoir. Il peut être convenu de couper la caméra pour améliorer la bande passante ou que des participants se connectent à partir d’un téléphone cellulaire. Si le problème technique n’est pas résolu, des décisions de continuer doivent être prises en accord avec ce qui aura été convenu avec le groupe au préalable. La personne qui n’arrive pas à se connecter peut envoyer un courriel à tous pour expliquer la situation. Il se peut que ceci mène au choix d’un nouveau client et même d’un autre animateur pour la rencontre. Heureusement ces problèmes deviennent de moins en moins fréquents quoiqu’ils puissent survenir si les réseaux deviennent saturés. On continue de respirer !

Se préparer soi-même : Il convient de s’approprier le fonctionnement de la technologie sur les divers supports utilisés en amont de la séance. Il faut aussi envisager la disponibilité d’une personne-ressource, ou à défaut d’un participant, pour assurer l’assistance technique lors de la séance en ligne afin de se concentrer sur son rôle et sur les participants. Le codéveloppement à distance est exigeant pour l’animateur en termes de disponibilité, d’énergie et d’attention, surtout si l’animateur en est à ses premières armes. La configuration à l’écran renvoie de nombreux signaux verbaux et para-verbaux des participants qui sont autant d’éléments à traiter simultanément. Il faut s’y préparer pour être vigilant et concentré ainsi que prévoir du temps de récupération par la suite.

2.      S’installer

Inviter les participants à s’installer confortablement : Idéalement, chacun devrait se retrouver dans un espace privé. Des écouteurs de type bouton ou des casques peuvent faciliter la communication et permettre de s’isoler des sollicitations externes, ainsi qu’éviter les échos pour les autres participants. Si des participants ne sont pas familiers avec le distanciel, les inviter à se connecter à l’avance pour être assurés que tout fonctionne. Pour une expérience de qualité, s’assurer que les cadrages mettent en valeur les visages et si possible les gestes, avoir un éclairage suffisant et éviter les contre-jours.

Informer des particularités du codéveloppement : Informer les participants des particularités et du déroulement de la rencontre. Rappeler comment a été fait en amont le choix du client ou comment il va l’être le cas échéant. Préciser le rôle de l’animateur.

3.      Démarrer

Faciliter l’inclusion : Accueillir individuellement les participants lorsqu’ils se connectent. Lorsque le groupe est complet, prévoir une activité d’inclusion (de type météo perso, humeur du moment) ou de brise-glace. Cette activité est importante pour le groupe autant que pour l’animateur. Il est probable que cette inclusion prenne plus de temps qu’à l’habitude. C’est nécessaire pour la connexion humaine et la création d’un espace sécurisant. Un exemple : prendre un petit moment de centrage et inviter les participants à visualiser les autres participants comme des points sur une carte et imaginer les fils invisibles qui relient. Tout le long de la rencontre, utiliser le plus souvent possible le nom des participants.

Poser le cadre et clarifier le processus : Identifier une intention ou un objectif pour le groupe ou la rencontre. Rappeler les attitudes recherchées : respect, écoute, parler-vrai, confidentialité, bienveillance, volontariat, engagement, co-responsabilité. Présenter succinctement les rôles de client et de consultant ; les objectifs au début de chaque étape permettront de compléter ces informations de manière contextuelle. Convenir d’un contrat de groupe, même sommaire et obtenir l’assentiment de chacun par un signe à l’écran. Tenir compte des incidences du distanciel qui pour certains réclame un rythme plus lent afin de faciliter leur expression et davantage d’explicitation verbale pour compenser une possible perte de la dimension non verbale. Convenir comment des signes pourront faciliter les interactions, comme le geste à utiliser pour demander la parole, signifier que l’on a terminé notre intervention, solliciter un temps d’arrêt ou communiquer notre approbation.

Identifier le client et le sujet : Si le client a été choisi avant la rencontre, cela permet une meilleure préparation et peut-être une consultation plus efficace. Pour des groupes constitués de façon plus spontanée, il est probable que le client ne soit pas déterminé à l’avance. Les propositions peuvent être partagées sur le champ. Étant donné que cela constituera peut-être la seule séance du groupe, le choix peut s’effectuer en fonction du sujet qui semble plus porteur pour le groupe ou le plus criant pour un participant. Même si le client a été déterminé à l’avance, le partage d’un sujet que chacun porte et à propos duquel il consulterait le groupe aujourd’hui s’il était client, est aussi une façon de se placer en posture d’apprentissage. Ceci peut être communiqué dans la conversation instantanée de façon à aider à la présence de tous.

Reconnaître le droit à l’erreur : Le codéveloppement est un laboratoire d’expérimentation où l’indulgence est sollicitée pour tous, incluant pour l’animateur. Ainsi, la pression pour la recherche de la perfection et de l’intervention idéale est mise de côté au profit d’occasions d’apprendre et de tirer des leçons tant de la situation exposée que de la rencontre elle-même. S’entraider n’implique pas qu’il est exclu de se tromper. Cette disposition gagne à être particulièrement présente vis-à-vis du client au moment du contrat (étape 3) et vis-à-vis des consultants lors du questionnement (étape 2) et du partage (étape 4). La distance peut accentuer le sentiment de solitude et d’une obligation de convenir d’un contrat parfait ou d’apporter un questionnement puissant. Tout au long du processus de la séance, l’animateur gagne à soutenir et à encourager chacun et vérifier régulièrement chez les consultants comme auprès du client que tout se déroule au mieux. « On a le temps… », « C’est ok ? », « Ça va ? »…

4.      Effectuer la consultation en six étapes 

Suivre le processus de consultation : Les six étapes sont toujours appropriées et garantissent la structure de l’échange. Il nous revient toutefois de savoir être souples pour nous adapter aux participants, à leur expérience du distanciel et au contexte particulier du moment.

Prendre le temps et se donner des pauses : Autant et peut-être davantage qu’en présentiel, le temps d’arrêt et de silence à la demande de quiconque peut permettre de prendre du recul et de se mettre en mode de métacognition. Ceci est également utile pour l’animateur qui peut avoir besoin de guider ou de recadrer le processus. De même, une pause avant chaque étape permet de s’ancrer davantage et de se préparer pour contribuer avec intention.

Profiter du tableau commun. La messagerie instantanée peut être utile pour afficher les règles de fonctionnement convenues entre tous. Il faut cependant s’assurer que ce canal constitue vraiment une valeur ajoutée pour le processus et soit utilisé avec précaution et parcimonie. Le clavardage peut permettre de solliciter des temps d’arrêt, selon la technologie utilisée. Il peut aussi servir dans la définition du contrat à partir de la demande du client. C’est le client qui devrait y écrire sa formulation du contrat, qui, comme on le sait, se construit progressivement à cette étape. La messagerie instantanée peut aussi être utilisée pour que les consultants écrivent leurs questions ou leurs contributions avant de peser sur le bouton et les exprimer. Cela peut permettre de garder des traces, d’avoir des propos plus réfléchis mais peut aussi ralentir le rythme de façon moins souhaitable.

Attribuer la parole : La prise de parole peut être plus difficile qu’en présentiel pour les non-initiés, à moins que l’application ou le service utilisé ne permette de la gérer. Un simple signe de la main ou de la tête ou encore l’utilisation de la messagerie instantanée peuvent aider à gérer les interventions. Un bâton de parole virtuel, comme si les participants se le remettaient d’un écran à l’autre, peut aussi permettre la fluidité dans les échanges ; il a la vertu d’encourager la pleine présence et d’inviter à la transmission en toute conscience. Aussi le micro coupé ou ouvert peut signifier que l’on a terminé de parler, ou qu’on est disponible à le faire.

Faciliter la pleine présence : Un des défis est de créer une pleine présence à distance, tant visuelle qu’expériencielle. Nommer son intention à cet égard et tenir le cadre créent des conditions pour y arriver.

Suivre l’énergie : Comme dans un groupe habituel, l’énergie des participants est un indicateur utile. Les participants rendent-ils leur énergie disponible au groupe ou sont-ils plutôt inattentifs ? Comment leur énergie se distribue-t-elle quant au contenu des échanges, aux relations entre les participants et à la régulation du groupe ? Des indices visuels peuvent servir, mais une validation par l’animateur par une question ou une intervention miroir aide à recadrer.

Ne pas oublier les besoins physiologiques : Il peut être nécessaire d’effectuer une pause de « gestion des eaux », de se reposer les yeux ou de bouger un peu. Il y a de meilleurs moments que d’autres pour le faire dans la séquence de consultation. Cela peut être après que les consultants ont partagé leur lecture de la demande du client et qu’il a besoin d’un moment pour reformuler ce qui deviendra le contrat. Cela peut aussi être après le partage de l’étape 4, pour lui laisser le temps de faire le point. Il s’agit de moments qui interrompent la session sans trop couper le processus.

La résonance émotionnelle : Dans le contexte de pandémie et de confinement, il est probable que la charge émotive soit importante. Elle doit être reconnue et entendue et peut alimenter la connexion humaine. Il y a une coresponsabilité dans la prise en compte de l’état émotif de chacun pour doser ses interventions, le ton de la voix, le parler-vrai. Transformée en énergie dans l’action à l’étape 5, elle peut positivement contribuer à augmenter le pouvoir d’agir et produire un effet d’apaisement.

Appréciation et apprentissage : Plus que jamais, l’étape 6 peut être utile en permettant le partage d’appréciations et d’apprentissages. Tout en ayant été centré sur le client comme à l’habitude, c’est l’occasion de nommer les apprentissages, l’entraide perçue, sans oublier ce qui concerne les surprises dues au distanciel, le cas échéant. En lien avec la situation actuelle, des questions pourraient bien être : Qu’ai-je appris ou qu’est-ce que qui va m’aider concrètement prochainement (dans les prochaines heures, jours…) ? Qu’est-ce qui change ou bouge en moi ? La régulation gagne à rechercher des pistes d’amélioration du fonctionnement à distance pour les prochaines expériences.

5.      Clore

La clôture est le moment de la gratitude, des conclusions, des suites souhaitées. Le client peut être sollicité pour l’avant-dernier mot de la fin, l’animateur se préservant le mot final. En ces temps de confinement et parce que certains participants ne sont peut-être là que pour une seule séance, vérifier qui souhaiterait poursuivre, permettre l’émergence de quelque chose d’enrichissant autour d’un oui solidaire « faisons grandir notre lien, continuons ensemble ».

Nous espérons que cela vous sera utile. N’hésitez pas à revenir à l’un ou l’autre d’entre nous pour partager vos expériences. Nous pourrions apprendre ensemble.

Que la force du codéveloppement soit avec vous ! Et bonne route !

Source : https://www.linkedin.com/pulse/quelques-rep%C3%A8res-et-conseils-pour-r%C3%A9ussir-du-%C3%A0-en-de-claude-champagne/

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